jeudi, novembre 14, 2013

JEWelZ

Le rap a de toute éternité été perçu par les médias comme une musique de contestation sociale, issue d'un contexte économique difficile, fruit de l'immigration et du métissage, ce en Amérique autant qu'en Europe. Cette culture vue comme un moyen d'expression émancipée des noirs, des arabes ou des latinos est cependant un vecteur d'universalité et il n'y a pas besoin d'être noir, marron, jaune ou vert pour se reconnaître dans son énergie et ses valeurs.

Aujourd'hui, je vais donc ouvrir une parenthèse pour mettre en évidence ceux qui ont été décrits comme des éminences grises satanistes du milieu du disque, je prendrai comme exemple les propos d'Ice Cube concernant Jerry Heller, manager de N.W.A. Et co-fondateur du label Ruthless Records avec Eazy E . Le glaçon a clairement comparé son ancien manager au diable et au long de sa carrière, il n'aura de cesse de le pointer du doigt dans ses morceaux.

Commençons par Blood Of Abrahm, groupe signé sur le label évoqué plus haut, Ruthless. Ce groupe composé de falashas est un appel à l'union entre les juifs et les noirs. Le jeune Will 1X, mieux connu aujourd'hui comme Will.i.am, y fait ses premières armes sur disques au coté de Eazy E qui fait une apparition sur le singles « Niggaz And Jews (Some Say Kikes) ». Annonçant clairement la couleur, l'intro est un enregistrement d'un discours d'un membre du ku klux klan lançé dans une diatribe antisémite.



Passons les plus connus pour nous consacrer à des MC's un peu plus underground. Necro par exemple expose son judaïsme de façon choquante en l'opposant à la culture américaine W.A.S.P. ancrée dans le protestantisme. Des punchlines comme « I drink bloody mary from Jesus' mom's pussy » ou bien le « I wish you a merry crucifixion, Jesus ain't nothing but a corpse to me » ou bien le morceau « Jewish Gangsters » montrent non seulement son antagonisme par rapport aux valeurs chrétiennes de son pays mais aussi un attachement profond à son identité religieuse et culturelle. Dans celui ci, il parle sans détour de sa grand mère survivante de l'holocauste et aussi de son père qui est arrivé à new york avec une mentalité militaire héritée de la guerre des six jours.



Sous un jour plus parodique, le québécois SoCalled n'en affiche pas moins ses couleurs car même sur un ton humoristique, ses racines restent omniprésentes, que ce soit dans l'utilisation de samples de musique traditionnelles comme le klezmer ou certains mots d'argot empruntés à l'hébreu ou au yiddish. Dans une interview pour le magazine Mondomix il l'évoque ainsi:  «  J'ai commencé à créer mes propres jewishs beats, à partir de tout un tas de sources : théâtre yiddish, chant litturgique, musiques hassidiques, israéliennes, klezmer, folklore roumain... Mais ça ne me suffisait pas. Il me fallait apprendre à jouer ces musiques, pour comprendre d'où venait la force brute de cette pulsation, de ces mélodies. C'est capital. Chaque DJ devrait se plonger à la source, ne pas se contenter de piller les sons à l'aveugle. C'est comme coucher avec une fille sans connaitre ni son nom, ni son âge. Criminel. »

Le paroxysme parodique identitaire est atteint par le groupe 2 Live Jews, parodie de 2 Live Crew, qui reprendra « Hava Nagila » version miami bass ou bien le morceau titre de leur album « As Kösher As They Wanna Be » qui en fin de compte n'est qu'une liste de clichés divers et variés mais tournée avec un second degré et une dérision qui résonnent comme un duo entre Larry David et Woody Allen sous weed et bière.



Loin des protest songs d'un Robert Zimmerman ou d'un Leonard Cohen, ces MCs juifs se foutent de s'inscrire dans leur époque ou leur société pour plutôt jeter leur patrimoine à la gueule du mouvement hip hop, s'affichant parfois comme une minorité dans la minorité malgré de francs succès comme Drake ou les Beastie Boys.